LA CONCEPTUALISATION DE L'HUMAIN
DANS UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE ET CONTRASTIVE
à partir de l'homme de dictionnaires français, anglais et polonais.
« Chacun sait que si le dictionnaire des idées reçues trouve aisément des contributeurs, dès qu'on ébouriffe ou égratigne son discours, un certain autisme se manifeste, souvent doublé de cécité. »
Jean-Louis Hartenberger (paléontologue)
Un récent article de Mary Ellen Scullen dans les "Cahiers de Lexicologie" (2003) reprend le thème du sexisme dans les dictionnaires français. C'est le sujet que j'avais développé dans mes thèses de 1983 et 1990, ainsi que dans un certain nombre d'articles publiés en France et à l'étranger, parallèlement à mes études sur le masculin/féminin en discours, dont celle que l'on trouve dans les "Cahiers de Lexicologie" de 1993.1
Mary Ellen Scullen présente à juste titre la « dissymétrie des notions d'HOMME et de FEMME dans les définitions et les exemples » et s'interroge pertinemment « sur le rôle des dictionnaires et des lexicographes dans le maintien et la transmission des inégalités entre les hommes et les femmes ». Il est possible d'insérer son étude dans une vision linguistique et sociologique plus vaste, dont ne sera donnée ici qu'une synthèse rapide, résumé succinct d'analyses précédentes, afin de réfléchir d'un peu plus près aux contours de la conceptualisation de l'humain à partir de quelques dictionnaires français, anglais et polonais. Un parcours interdisciplinaire final permettra d'apporter à la question du masculin/féminin un éclairage permettant de se rendre mieux compte de son relief véritable. Cet exposé avait été présenté à un séminaire du "Groupe d'Approche du Langage de l'Université de Pau" (GrALP) de mai 2005.
Le chantier concerné est , pour commencer, celui de l'analyse et de l'éventuelle déconstruction de la subordination et péjoration du féminin par rapport au masculin dans le langage, à propos duquel il ne faut pas maintenant ignorer le dernier ouvrage de Fabienne Baider, "Hommes galants, femmes faciles" (2005), où à travers un parcours lexicographique et discursif gigantesque, dans les dictionnaires et données électroniques comme la "Base textuelle Frantext" du CNRS-ATILF, l'auteure démonte magistralement les manifestations et les fondements de cette péjoration et de la dissymétrie défavorable au féminin.
En correspondance, je m'attache à l'étude du masculin, la question étant la suivante : en français, le nom homme et le nom commun de personne masculin usuellement employés en discours au sens dit "générique" ont-ils sans conteste dans certains énoncés une valeur d'hypéronyme signifiant un être humain abstrait, homme ou femme au singulier, hommes et femmes au pluriel ? Pour trouver des réponses, nous ferons d'abord un état des lieux lexical, basé en français sur un relevé lexicographique exhaustif, puis un parcours des définitions de homme dans plusieurs dictionnaires, pour terminer par une approche théorique multidisciplinaire de la question. Accessoirement et en filigrane, nous nous demanderons aussi s'il s'agit seulement d'une question dite féministe, ou une question de linguistique.
1. Le matériau lexical de la dénomination humaine en français, anglais, polonais.
Il y a des langues qui ne possèdent pas la catégorie linguistique du genre. Il reste pour elles la question de savoir comment se fait la désignation d'un être humain spécifiquement masculin ou spécifiquement féminin, quel est en comparaison le lexique nominal de l'être humain masculin (EHM) et de l'être humain féminin (EHF) quelle que soit son importance, et la place qui est faite ou non à des référents hommes ou femmes en discours.
On observe dans le lexique français de la dénomination humaine une catégorie non alternante morphologiquement mais classable en couple, les dénominations identitaires de base comme homme/femme, fille/garçon, père/mère. Elles sont très peu nombreuses. On doit pouvoir penser qu'un tel lexique existe dans toutes les langues, plus ou moins étendu.
1.1. En français et dans les langues romanes nous possédons de plus un lexique très fourni de noms d'agents, dénominations professionnelles, dénominations qualificatives, etc., à finale différente selon le genre. L'observation exhaustive du lexique de la dénomination humaine en français2 montre que la règle est l'alternance en genre, c'est-à-dire que la dénomination de la femme et de l'homme se fait soit par un nom unique avec alternance de l'article (le/la psychologue), soit par un nom dédoublé, à radical commun et à finale alternante le plus souvent suffixale (écolier/écolière).
Selon mes comptes en français, 90% du lexique humain est concerné. Le masculin a la propriété de désigner dans tous ces cas l'EHM, le féminin de désigner l'EHF. On ne retiendra pas les exceptions dont l'impérissable sentinelle toujours mise en avant. On ne classera pas à part non plus les alternances régulières comme ambassadeur/ambassadrice dont la dissymétrie sémantique est en voie d'archaïsation, et qui sont de toute façon elles aussi peu nombreuses. La suffixation des masculins par -esse, reliquat de l'ancien français, aujourd'hui marginale, concerne principalement quelques noms à masculin terminé par -e. Voici en abrégé le système morphologique général qui commande l'alternance en genre en français :
- près d'1/3 de noms bivalents, c'est-à-dire signifiant ou EHM ou EHF, dont l'alternance est extrinsèque, par l'article : le/la psychologue. On remarque qu'ils se terminent tous par -e.
- près d'1/3 de noms à finale divergente à l'oral, finale féminine consonantique graphiée consonne+e dit muet, finale masculine vocalique graphiée voyelle+consonne muette ou voyelle nasalisée : en résumé masculin vocalique, féminin consonantique, écolière-écolier, paysanne-paysan. Beaucoup de ces noms font partie du fonds ancien.
- près d'1/3 de noms à suffixes divergents où le masculin est marqué par la finale -eur ou -if, le féminin par la finale -euse, -trice ou -ive.
- Il reste 6% du total répondant à la règle dite générale des grammaires traditionnelles, selon laquelle, "pour 'faire' un féminin on ajoute un e". Ce sont principalement des participes passés nominalisés : invité/e. 3
Le système morphologique général de l'alternance en genre des noms communs de personnes français est donc un système marquant morphologiquement tant le masculin nom d'EHM que le féminin nom d'EHF, ce dernier nullement dérivé du masculin4, chacun reconnaissable par la finale ou l'article. J'écarte la notion d'opposition des genres pour parler de correspondance et d'alternance.
Il n'y a pas en français de terme particulier signifiant "être humain de l'un ou de l'autre sexe", seul homme, terme alternant avec femme, joue ce rôle dans certaines catégories d'énoncés. Mais le système général de l'alternance en genre confère un statut morphologique égalitaire au féminin comme au masculin.
1.2 En anglais, on relève d'abord des noms identitaires de base sémantiquement sexués comme brother/sister, mais il n'y a pas plus qu'en français de terme abstrait en dehors de person pour désigner l'être humain en général comme l'allemand Mensch.
La principale différence avec le français est l'absence d'un article marqué en genre, circonscrivant le sème du sexe dans l'unité lexicale. Celle-ci est dite couramment "neutre", ce qui est inexact : l'insertion en discours appelle la pronominalisation ou bien par he ou bien par she, "The director comes, she says…", ce qui signifie que le contenu sémique de l'unité sexuelle est bivalent : homme ou femme en alternance virtuelle.
Le système tel que l'expose Marina Yaguello (2002: 62-63), sans indication chiffrée des proportions, et constatable dans les dictionnaires, est le suivant :
- un petit groupe avec masculin base et suffixation du féminin par -ess, -ine, -ette.
- pour les compositions à l'aide de -man, certains termes peuvent recevoir -woman, d'autres pas, la composition à l'aide de lady est "décriée".
- pour contrer les effets des différenciations de "gender", c'est-à-dire des différenciations selon les rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes, les féministes ont imposé, avec succès, le remplacement du suffixe -man par -person ou l'apocope pure et simple : chairman éliminé pour chairperson ou chair. Mais « les mentalités n'ayant pas évolué au même rythme, ces termes 'neutres' en viennent souvent à recouvrir dans l'esprit des locuteurs une réalité féminine ».
- le groupe où le nom est invariable, sous « les apparences d'un masculin morphologique » : author, worker. Mais seule la désignation que l'on veut explicite d'une femme entraîne le préfixe woman ou lady : lady-doctor. J'ai pour ma part, à l'occasion d'un congrès de magistrats, entendu en Angleterre female judge (female non péjoratif en anglais), jamais male judge.
Hors des termes identitaires de base contenant un sème sexué spécifique (father/mother), le lexique anglais des noms d'agents donne ainsi l'impression d'être asexué et se prête semble-t-il sans problème au discours généralisant sur l'humain. Il reste que des mouvements se réclamant d'un "féminisme radical" ou les mouvements "queer"5 continuent à revendiquer aux États-unis une "désexisation" totale de la langue : pourquoi ?
La dénomination humaine constitue donc toujours un problème en anglais, en ce sens qu'il y a des termes classés comme non-marqués et acceptant la pronominalisation par he ou she, mais sentis "souvent" comme masculins et comme désignant des hommes, et que la désignation explicite des femmes nécessite des affixations. Le système anglais de la conceptualisation de l'humain paraît donc pour le moment instable : dénomination humaine sexuée ? sexuable ? bivalente ? asexuée ?
1.3. En polonais le système morphologique de la dénomination humaine6 est quant à lui bien tranché : tout féminin sauf rarissime exception est minoré.
L'examen de dictionnaires polonais montre que :
- Les adjectifs sont à finale alternante : -y ou -i masculin/-a féminin/-e neutre (au nominatif singulier) : trudny/trudna/trudne = difficile. Marque masculine -i /-y , marque féminine -a.
- La finale -a est spécifique des quelques noms identitaires de base féminins (brat/siostra =frère/sœur) des prénoms féminins (Krystyna, Stanislawa) et de la plupart des noms d'animaux, de choses et d'idées féminins (malpa = singe, szabla = sabre, piechota = infanterie)
- Le neutre ne concerne que quelques noms d'humains (bébé, enfant dans le langage courant, jeune fille dans le registre littéraire, plus quelques termes péjoratifs).
- Les noms d'agents masculins se terminent par une consonne. Pour le féminin, une règle générale : radical masculin plus le suffixe -ka, qui est par ailleurs le suffixe diminutif : nom de chose glowa =la ou une tête / glowka =la ou une petite tête; nom d'humain obywatel =le citoyen / obywatelka =la citoyenne, nauczyciel = l'instituteur / nauczycielka = l'institutrice. Pour les professions traditionnellement féminines le caractère diminutif est intériorisé et n'est plus senti. Pour les fonctions de prestige historiquement masculines la minoration est réactivée : refus par les femmes d'accepter la dénomination de dyrektorka, sentiment de non-conformité à la langue de doktorka, senti comme "doctorette" (alors que lektor/lektorka par exemple est enregistré).
- Appropriation historique par les hommes de tous les noms gréco-latins se terminant par -a, affectés au genre masculin : artista = un artiste /artystka = une artiste - pianista = le pianiste / pianistka =la pianiste. Pour les autres masculins à finale en -a, il y a le groupe des noms à base verbale avec quelques alternance masculin/féminin -ca-czyni (dawca-dawczyni = donateur-donatrice) et un autre petit groupe (une quarantaine de noms) de formation étymologique polonaise se terminant également en -a, uniquement masculin, constitué essentiellement de termes péjoratifs (wloczega = vagabond - hulaka = noceur).
- Rarement, quelques autres suffixes féminisants : -ini ou -ina, -ica : hrabina (=comtesse), uczennica (élève). Et -owa : suffixe féminisant appropriatif des noms propres : Wozniak / Wozniakowa = Wozniak /la femme de Wozniak, utilisé pour quelques noms communs.
- Enfin les peu nombreuses alternances des adjectifs substantivés, sluzacy /sluzaca = le/la domestique, les noms où masculin et féminin sont suffixés : kochanek/kochanka = l'amant /l'amante, tous deux avec suffixe diminutif, et les noms localisants: Europejczyk/Europejka, -czyk/-ka - Amerykanin /Amerykanka, -anin/-anka.
Pour l'ensemble, la caractéristique du polonais est l'absence absolue d'article déterminant, c'est le nom qui porte la marque de genre, il contient donc seul le sème sexuel, toujours spécifique, contrairement à l'anglais, et ne peut être substitué exclusivement que par le pronom masculin on = il ou le pronom féminin ona =elle. Tous les noms d'EHM sauf exceptions étant terminés par une consonne plus les noms d'origine grecque en -a et les groupes restreints en -a mentionnés, tous les noms d'EHF sauf exceptions étant à base masculine suffixée massivement par -ka, il s'agit donc d'un système à "formation" du féminin, formation sémantiquement minorante. La "base" lexicale de la dénomination humaine polonaise est masculine.
La langue polonaise a constitué morphologiquement la dénomination humaine dans une vision subordonnante de la femme. On n'observe dans le lexique français de vision subordonnante qu'en diachronie, dans l'évolution sémantique de dénominations identitaires comme fille et garçon 7, et en discours dans l'emploi des noms féminins en environnement péjoratif 8, plus l'emploi systématique du masculin dit générique en discours généralisant, ce que nous étudions en suivant.
1.4.L'actualisation du lexique masculin français en discours permet d'étudier son fonctionnement sémantique. En un parcours très rapide, voici ce que j'ai pu concrètement observer dans différents types discursifs :
- dans le discours journalistique des années 1980 à 20009 l'inadéquation absolue du masculin pour désigner une femme, son emploi entraînant distorsions, équivoques, stratégies d'évitement de la dénomination professionnelle d'une femme, et surtout irrégularités syntaxiques systématisées 10. Une étude d'Anne Dister et Marie-Louise Moreau (2006) sur les femmes politiques parle à propos de l'introduction de la dénomination féminine de "régularisation grammaticale".
- dans les offres d'emploi des journaux français, la pratique de la mention "(H/F)", accolée à un nom de profession masculin, établit le caractère incertain de la valeur générique de ce masculin 11;
- dans un roman c'est-à-dire un texte narratif, écrit dans le français impeccable de la romancière tunisienne Souad Guellouz : le nom homme(s) peut-être générique n'est susceptible de cette interprétation que dans les passages ayant un rapport avec la religion 12;
- dans un texte didactique traitant de la profession d'assistante sociale, les rédactrices louvoient, confrontées à l'inadéquation du masculin pour dénommer cet ensemble à majorité féminine13;
- dans le discours institutionnel français le masculin est imposé par procédure législative : l'emploi du nom commun de personne féminin y est considéré comme illégitime par le "Rapport" d'octobre 1998 de la Commission Générale de Terminologie du Premier Ministre, et par l'Académie française 14;
- dans le discours de vulgarisation scientifique d'une revue de géographie, le nom homme(s) en environnement cotextuel authentiquement générique ou collectif ("Homo sapiens", "humains", "espèce humaine", etc.) acquiert par nécessité logique une valeur générique (pas d'humanité sans femmes) mais laisse en suspens le rôle des femmes dans l'évolution et promeut l'être humain masculin comme prototype 15.
- Claire Michard16 dans ses thèses initiales et ses publications appuie ses analyses sur le discours ethnographique et y relève que le masculin dénomination humaine y est sémantiquement "universel", le féminin seulement biologique (ou zoologique), et que les discours ethnographiques mettent en scène - c'est bien le cas - "l'agentivité" des hommes, la passivité des femmes.
- dans le discours lexicographique, "l'homme" est premièrement "générique", deuxièmement spécifique 17. Cependant le premier voit sa dimension se restreindre depuis le Littré du XIXe siècle jusqu'au Petit Robert électronique de 2001. Mais l'autorité du discours lexicographique en fait un discours institutionnel, considéré par le public comme législatif .
On voit donc dans ces études qu'en français écrit actuel, en dehors du texte narratif en rapport direct avec le réel, c'est l'élément masculin des dénominations humaines qui est généralement avancé dans tout discours formalisé et toute description à visée "scientifique" traditionnelle comme le discours ethnographique. Cet emploi du masculin est "générique" : la référenciation l'est-elle aussi ? Comment le référent appréhendé découpe-t-il la réalité extralinguistique humaine ? Comment le lectorat décode-t-il le mot homme ?
2. Aperçu de l'évolution lexicographique de homme dans des dictionnaires français, anglais et polonais.
2.1. Les dictionnaires français.
Le Littré dans sa réédition de 1958 consacre 300 lignes à l'acception "être humain" et 18 lignes à "être humain masculin". Pas une seule acception de homme ne peut être interprétée sans réserves comme incluant la femme, les actualisations par l'exemple sont massivement très clairement masculines, et toutes d'auteurs masculins. L'homme y est donc EH, et accessoirement EHM, sans qu'il soit nécessaire au XIXe siècle de se demander si la femme est incluse dans cette humanité.
Le Petit Larousse 1936 est un dictionnaire français d'anthologie : le seul de tous les dictionnaires français que j'ai consultés à donner l'acception EHM en premier, l'acception EH en second. Tous les Petit Larousse suivants respectent l'ordre canonique : homme = 1/EH - 2/EHM.
Les Petit Robert montrent un engagement clair établissant l'équation Homme = EH, d'autres dictionnaires pratiquant une distanciation par des gloses du type : « Homme : se dit de l'être humain en général », distanciation qui peut être le signe d'une incertitude. Mais tous, dans les actualisations de l'acception EH, avancent des exemples inacceptables, ainsi "un brave homme", vu uniquement dans son "humanité" dans les Larousse - le dit-on d'une femme? - ou « On s'attendait de voir un auteur et on trouve un homme » de Pascal, dans les Robert, que l'on voit mal appliqué à Mme de Sévigné ou la Mère Angélique Arnaud : "l'humanité" apparaît à travers ces interprétations, ou décodages, comme masculine.
Le Dictionnaire du Français Contemporain de Jean Dubois (1982), petit manuel pour collèges, a été étudié plus longuement. On y constate pour ce qui nous concerne ici deux phénomènes : l'utilisation de la définition par homme exclusivement pour des noms spécifiques d'EHM d'une part, jamais le mot homme pour définir des génériques ou des collectifs comme "être", "humanité", "personne", "semblable", etc., d'autre part. Un parcours des autres dictionnaires montre le même fonctionnement (sauf au pluriel pour "humanité", posé parfois comme "l'ensemble des hommes").
On peut en résumé déclarer qu'au XXe siècle en France , le classement lexicographique de homme reste ferme dans sa contradiction : le raisonnement métalinguistique place le signe [om] d'abord dans la catégorie générique - avec quelques flottements cependant - mais le discours définitoire n'emploie pas ce signe en équivalence d'un autre terme générique. Et l'on peut en inférer la conclusion suivante : le signifié en langue de homme s'oppose à un emploi générique en équation avec un autre terme générique.
Qu'en est-il au XXIe ? Seuls trois dictionnaires ont été ici examinés :
Le Petit Robert version électronique 2001 restreint notablement la part de l'EH, affectant 1/3 de l'article pour l' ''être (mâle ou femelle) appartenant à l'espèce animale la plus évoluée de la Terre", 2/3 pour l' "être humain mâle ". Restriction d'autant plus marquée que dans cette première acception homme voit pour terminer sa validité mise en doute quant à son signifié générique d'être considéré du seul point de vue de son humanité, non de son sexe : « Spécialement (rare en parlant d'une femme) - L'homme considéré dans ses qualités […] dans ses faiblesses […] humain… », définition suivie de l'exemple de Pascal relevé dans les Petit Robert précédents.
Ce qui est également intéressant, c'est la place de la femme dans cette première partie : entre parenthèses, "être (mâle ou femelle)", "(rare en parlant d'une femme)", ou en renvoi, « être humain actuel considéré comme un être social => femme, individu, personne, quidam », le signe => signifiant selon l'introduction : « mot qui a un grand rapport de sens avec le mot traité. » Le plus étonnant étant la finale de l'article, à la fin de toutes les acceptions : "CONTR. Femme ". J'interprète les trois premières manifestations, absentes dans le Petit Robert 1977, comme l'introduction, timide, d'un souci féministe. Quant à l'opposition "contraire : femme", déjà présente en 1977 en tant qu' "ANT.", antonyme, elle paraît tout d'abord en contradiction avec « mot ayant un grand rapport de sens ». Mais elle est significative en tant que catégorisation sémantique traditionnelle, d'autant plus qu'on ne trouve pas "CONTR. Homme" à la fin de l'article "Femme". Nous revenons sur cette question plus bas.
Le Petit Larousse Grand Format 2003 pose ses équivalences, "1- Être humain considéré par rapport à son espèce" - 2- espèce humaine en général - 3 - Membre de l'espèce humaine" sans aucune mention de la femme, mais évite toutes les définitions et exemples radicalement contestables comme le "brave homme" relevé plus haut, et consacre les 6 parties suivantes à "l'être humain de sexe masculin". Une concession aux idées nouvelles : l'illustration de l'article comporte ses "homo habilis", "homo erectus", "homme de Neandertal", etc., plus : une silhouette féminine en robe ajustée accompagnant "l'homme moderne" aux puissantes épaules. On remarque ensuite avec amusement que l' "Australopithecus afarensis", c'est "Lucy", féminisée elle aussi par une sorte de jupette.
Le Trésor de la Langue Française sur Internet consulté en 2005 puis février 2006 où il est identique ne présente toujours qu'une partie 1 traitant de l'homme dit générique, pas de partie 2 sur l'EHM. L'intéressant est qu'il est le seul à remarquer que l'emploi au sens dit générique restreint son fonctionnement syntaxique, selon l'information placée en tête d'article : « (Avec un détem. de la généralité, ou bien sans art., ou encore au pluriel) », ce que j'avais en effet constaté dans les passages en rapport avec la religion de mon étude du texte narratif. Je considère ce phénomène comme une autre émergence de l'inadéquation en langue de l'emploi dit générique, à quoi j'ajoute que toute expansion, hormis rares exceptions lexicalisées comme "homme préhistorique", confère d'office et sans conteste un sens concret, sexué, au terme homme : "trois hommes", "de grands hommes", "un homme de loi", etc. On le remarque également dans les séries d'exemples d'un article de Danielle Leeman (1989) sur la question. Une direction de recherche intéressante serait , en l'absence de terme générique indiscutablement adéquat pour désigner l'être humain en français, l'étude de l'évolution du terme homme en emploi dit générique moderne vers la pronominalisation indéfinie, répétition de l'évolution de l'hom de l'ancien français vers notre "l'on" et "on".
De l'observation de l'article lui-même, nous retiendrons d'abord la définition générale : « être appartenant à l'espèce animale la plus développée, sans considération de sexe ». C'est l'examen des exemples qui se révèle la plus intéressante. Surtout leur datation : sur 24 exemples littéraires datés, un exemple du XVIIIe siècle, 10 du XIXe, 8 de la première moitié du XXe, le reste de la seconde, le plus récent datant de 1979, sur un thème religieux, tous d'auteurs masculins sauf Mme de Staël (1810). La caractéristique "humaine" de l'homme dit "sans considération de sexe" y est en fait beaucoup plus masculine que dans les Robert et les Larousse : je conteste en effet formellement la valeur "générique" qui engloberait les femmes de "l'homme des villes", "l'homme de la campagne", "l'homme de la montagne", "l'homme inique", "l'homme dépravé", 'l'homme sensible", "l'homme moral" et mieux encore "l'homme sous le prêtre", pour ne citer qu'une partie des exemples.
Il est temps de bien s'entendre sur une chose : qu'est-ce que le trait sémique "humain", qu'est-ce que l' "humanité" dite "sans considération de sexe" ? Elle n'est attribuée lexicographiquement qu'au terme utilisé pour la désignation de l'EHM. Le corollaire en est que la femme n'est pas admise dans ce type d' "humanité", pendant que l'homme est censé ne pas avoir de sexe. Est-ce le cas ?
Sans doute les catégorisations proposées sont-elles le fait des discours, innombrables semble-t-il, dans lesquels sont relevées ces occurrences, mais elles pétrifient les mentalités des siècles passés comme modèles, dans le marbre de monuments aujourd'hui électroniques. Avant de reprendre cette question plus bas, nous dirons que le "Trésor de la Langue Française sur Internet" apparaît comme plus proche du Littré du XIXe que des dictionnaires actuels, ce qu'il entend être sans doute, comme "trésor" de notre passé. Il ne faut alors le prendre que comme un dictionnaire historique. Le Robert et le Larousse, toujours traditionnels quant à la "généricité" de homme, sont plus prudents, grâce sans doute pour beaucoup aux dimensions matérielles plus restreintes qu'ils adoptent.
Il me manque pour ces nouveaux dictionnaires une étude de leur discours définitoire comme celui réalisé dans le DFC de 1980, qui permettrait de voir s'ils accordent leurs catégorisations sémantiques telles qu'elles sont théorisées dans l'article homme avec leurs propres pratiques pour définir les termes génériques ou collectifs incontestables, c’est-à-dire : en utilisant homme pour les définir.
2.2. Quelques dictionnaires anglais.
J'ai pu relever une progression intéressante dans 4 dictionnaires anglais. Voici le schéma des définitions qu'ils proposent pour Man :
The concise Oxford Dictionary of current English – 1976 : 1 - Human being - 2 - The human race - "Rights of Man = HUMAN rights" - 3 - Human being of specified historical period (Renaissance man). Esp.: prehistorical type named from place where remains were found. - 4 - Adult human male (jusqu'au &15)
Longman - Dictionary of the English language - 1984
1 - a human being : esp. an adult male as distinguished from a woman or child
2 - a man belonging to a usu specified category
3 - a husband
4 - a male sexual partner (puis autres acceptions EHM)
Longman - Dictionary of contemporary English - 1987
1 - an adult human male
2 - a human being
3 - the human race
4 - any of the sorts of human-like creatures that lived in former times, prehistoric man
Collins Cobuild - Advanced Learner's English Dictionary - 2003
1 - a man is an adult male human being
2 - Man and men are sometimes used to refer to all human beings including both males and females. Some people dislike the use.
La différence dans l'évolution des catégorisations entre la France et le Royaume-Uni saute aux yeux, et se passe facilement de commentaires. En un quart de siècle on passe des "Rights of Man" à la contestation explicite de la valeur générique du terme, la sexuation immédiate de Man étant introduite dès 1984. Pendant ce temps commençait en France le combat de l'Académie française pour le principe du masculin "non-marqué", contre l'introduction du féminin dans les textes officiels préconisé par le ministère Roudy (1984-1986), combat académique qui se poursuit aujourd'hui.
Sans doute la discrétion de la marque de genre en anglais a-t-elle facilité cette évolution théorique sous la pression des mouvements féministes. Il convient cependant de ne pas oublier qu'un malaise sous-jacent subsiste, ainsi que nous l'avons vu à propos du lexique anglais. Et nous verrons plus bas que, quant à la conceptualisation de l'humain, le système français d'alternance a d'autres avantages. Pour commencer, son alternance égalitaire l'oppose de front au système minorant polonais.
2.3. Un dictionnaire polonais.
J'avais précédemment dépouillé un ancien dictionnaire bilingue, "Nouveau Dictionnaire manuel franco-polonais polono-français" de Boleslaw Kielski (1914) pour constater l'extrême rareté des dénominations professionnelles féminines enregistrées au début du XXe siècle. Cette quantité minime m'a cependant permis d'observer le fonctionnement de l'alternance adjective et de la suffixation nominale exposées plus haut, en dehors du discours conventionnel des grammaires.
Je prends en considération maintenant les deux termes qui correspondent à notre homme lexicographique français : czlowiek, en principe générique au même titre que le Mensch allemand, et meszczyzna, désignation spécifique de l'EHM. Les voici en traduction tels qu'ils sont présentés dans le "Petit dictionnaire de la langue polonaise", de 1993, édition 1997, dictionnaire monolingue dont la rédaction est entièrement féminine. La traduction, abrégée chaque fois que j'ai pensé qu'il n'y avait pas d'information nouvelle sur la conceptualisation de l'humain, s'efforce au mot à mot afin de déformer le moins possible la teneur du polonais. Les définitions et gloses ou commentaires sont entre guillemets, selon la présentation originale, les exemples sont sans guillemets. Pour la traduction de czlowiek qui signifie en principe "être humain", il a été nécessaire d'opter pour le terme homme sous la forme "H." le mot polonais étant abrégé de même en "C." pour czlowiek, choix qui sera commenté après présentation de l'article.
czlowiek
1 - "Homo sapiens, être vivant de la famille des hominidés, de rang supérieur, se différenciant parmi les autres par le plus haut développement du psychisme et de la vie sociale ; le seul apte à créer une culture." - H.intelligent, cultivé - H.jeune, vieux, mûr. - H. civilisé - Les droits de l'homme. - H. des cavernes "homme dont l'existence a été établie sur la base de restes provenant des périodes géologiques précédentes." - H. moyen, h. de la rue - H. sans foi ni loi - H. d'action - Leur, son h. - H. d'affaires.
2 - "personne représentant les meilleurs traits humains, individu de grande valeur sociale, éthique, noble" : C'est du matériau pour faire un homme. Devenir un homme. Faire de quelqu'un un homme. Amener quelqu'un (parvenir soi-même) à devenir un homme. - Parle en homme, conduis-toi en homme ...= sois humain, poli, tolérant etc.
3 - Polonisme intraduisible
4 - "personne adulte, mûre (mature)"
5 - Langage courant. Anciennement "ouvrier , travailleur".
6 - Anciennement "serviteur, sujet".
7 - Langage courant "meszczyzna" (= "homme") : Un homme attend. Regarde ce vieil homme.
Il semble que la rédaction de l'article obéisse comme en France à une tradition de longue date, reproduisant en termes proches d'un ouvrage à l'autre des informations similaires. La promotion des qualités dites humaines de czlowiek en &2 obéit à la tradition relevable dans les grammaires et dictionnaires français anciens. Le poids de la tradition conduit à des répétitions de définitions et d'usages contestables.
Je remarque tout d'abord qu'il n'y a pas dans la définition initiale l'équivalence de "être humain", possible ("istota ludzka"). Peut-être la tradition des dictionnaires polonais n'utilise-t-elle pas couramment l'expression. Mais je constate surtout, après avoir commencé dans un récit de voyage en polonais, texte descriptif et narratif18, des relevés établissant que tout personnage concret dénommé czlowiek est toujours un EHM, jamais une femme, que les catégorisations effectuées dans l'article sont pour la plus grande partie inexactes, dès le paragraphe 1. Si l'on essaie de remplacer les "H." que j'ai donné en traduction par "être humain", on remarquera le caractère artificiel des formulations. En fait jamais la femme ne sera en polonais "un homme intelligent", "un homme d'action", ne parlera "en homme", etc., pas plus qu'en français. La traduction montre les limitations masculines du français homme , les paragraphes suivants de l'article mettent en évidence la spécificité sexuelle de l'être humain appelé czlowiek en polonais dès qu'on quitte le terrain philosophique ou anthropologique. Ma conclusion est que la communauté linguistique polonaise où la dénomination humaine est dominée par le masculin détourne par l'usage le terme à l'origine authentiquement générique pour n'attribuer couramment la nature humaine qu'à l'EHM.
L'article meszczyzna du même dictionnaire est d'une brièveté remarquable, en une demi-ligne : "être humain (czlowiek) adulte de sexe masculin", ce qui rappelle la concision de notre Littré.
Les spécialistes de la linguistique contrastive sauront mieux que moi dégager toutes les conclusions possibles de ces données factuelles. Ce que j'y vois, c'est que la communauté linguistique polonaise vit à l'intérieur d'un système de conceptualisation de l'humain construit à partir de la supériorité de l'EHM, et maintient cette position symbolique à travers le langage courant comme le langage normé. Des mouvements féministes tentent actuellement d'introduire la dénomination féminine en discours, mais rencontrent une opposition puissante dans, semble-t-il, la plus grande partie de la communauté linguistique. La "Kanzlerin" allemande actuelle est introduite sous la dénomination de "Madame Chancelier", "Pani Kanclerz", comme les désuètes "Madame le Directeur" françaises, avec les acrobaties syntaxiques afférentes. Je ne connais pas les positions théoriques des grammaires et des traités linguistiques polonais, mais la raillerie du féminin par les hommes est une coutume banale.
En anglais il semble que les positions théoriques aient évolué vers la reconnaissance de la valeur exclusivement masculine de Man, mais n'ont pas réglé entièrement la valeur originellement uniquement masculine de "director" ou "president", qui leur vient tant du point de vue étymologique que du point de vue historique des rôles sociaux de sexe. Les travaux de recherche actuels de Fabienne Baider sur les lexiques électroniques internationaux apporteront là-dessus des informations. Peut-être une évolution conduira-t-elle en discours vers des "he-directors" ou "male directors" comme il y a à l'occasion des "female directors" parce que le terme aura définitivement acquis une valeur bivalente intrinsèque. Ou alors l'idée de sexe disparaîtra-t-elle, si c'est possible, comme le souhaitent certains mouvements d'avant-garde, après l'élimination des pronoms he et she et des possessifs her et his, tout comme des titres comme Mr. et Ms. pour Monsieur et Madame, plus l'abolition de man et woman eux-mêmes. Spéculations qui pour le moment ressortissent plutôt à la science-fiction. Pour l'instant, la doctrine officielle est l'égalité linguistique hommes/femmes à obtenir par la désexisation maximum possible du discours.
En français nous bénéficions d'un système morphologique équilibré. Par ailleurs l'emploi usuel par économie linguistique - ou paresse linguistique - ou esprit conventionnel - d'un terme unique masculin plutôt que dédoublé masculin/féminin, auquel on entend conférer une valeur générique, est codifié par tous les discours institutionnels. Mais on voit émerger en discours l'inadéquation en langue de cette valeur générique attribuée à un signe dont l'invariant sémantique est de toute façon le sème /masculin/, comme le montrent toutes les représentations iconographiques ("l'homme préhistorique", "le Français" avec béret et baguette, etc.), les enquêtes d'Anne-Marie Houdebine19 et les observations de Marina Yaguello sur "le capitaine Prieur"20, invariant sémantique que ne peuvent occulter les dictionnaires français, qui ne donnent cependant la valeur sexuée EHM que comme définition seconde.
On a donc d'une part, morphologiquement, un système de dénomination de l'humain faisant la part égale à la femme et à l'homme, particulièrement mis en relief par son opposition au système polonais, d'autre part, en discours, une pression socioculturelle observable dans les textes institutionnels dont les dictionnaires, subordonnant la femme à travers la considération métalinguistique de sa dénomination. Conflit qui explique la tendance divergente suivante : dans une première direction, l'implantation rapide (en une décennie) du féminin comme dénomination professionnelle individuelle malgré les contraintes ; dans une deuxième direction, la crispation sur l'emploi générique du masculin en discours généralisant, toujours observable chez beaucoup de femmes comme beaucoup d'hommes. Nous essaierons plus bas de réfléchir sur cette crispation.
Qu'en est-il des positions grammairiennes et linguistiques en France ?
3. Les théorisations.
3.1. Dans les grammaires et les traités de linguistique.
La question de l'alternance en genre a été étudiée à travers une centaine de grammaires depuis la Renaissance jusqu'aux manuels scolaires du XXe siècle 21. En un ultrarapide résumé voici l'évolution des théorisations depuis la première grammaire de la langue française, de John Palsgrave :
- XVIe s. - génération du féminin par le masculin (Palsgrave, Meigret)
- XVIIe - noblesse du masculin (Vaugelas) - "il l'emporte" (Bouhours)
- XVIIIe - masculin première dénomination (Dumarsais)
- XIXe - "Nom" et "son féminin" : le masculin essentialisé (Bescherelle)
- XXe - masculin "non-marqué" (Dubois), i.e. non marqueur de genre (Académie française).
Mon examen de ces théorisations grammaticales par rapport au système morphologique que j'ai pu établir à partir de l'étude exhaustive du lexique humain français m'a permis de relever dans tous les cas des approximations, incohérences, contradictions, plus ou moins nombreuses, avec des commentaires toujours appréciatifs, positifs pour le masculin, négatifs pour le féminin.
Les variantes de ces théorisations se retrouvent sous diverses formes dans toutes les grammaires scolaires du XXe s. examinées. Seuls Port-Royal et Tesnière ne présentent pas le masculin comme immanent, le féminin comme dépendant du masculin.
Claire Michard (2002) a étudié de son côté les théorisations des linguistes du XXe, ses analyses recoupent et complètent les miennes. Je reprends ici mon analyse du discours structuraliste de Jean Dubois (1969) auquel je m'étais heurtée lors de ma seconde thèse. Je m'étais étonnée naïvement de ce que les catégorisations sémantiques des substantifs proposées:
+Animé/-Animé
+Humain/-Humain
actuellement massivement reçues dans le discours linguistique, aboutissaient à
+Mâle/-Mâle
rejetant le féminin et donc la dénomination de la femme dans la négativité.
Je relevais par ailleurs dans la "Grammaire structurale" que le masculin déclaré "non-marqué" l'était uniquement par postulat, sans autre explication ou commentaire, et que parmi les très nombreuses "irrégularités" de la "formation" du féminin étaient absentes la grande série bivalente des noms en -e et la grande série alternante en -teur/-trice, contradictoires avec la théorie de l'addition d'une "marque" au féminin.
L'étude des théories linguistiques du XXe de Claire Michard, m'a permis ensuite de prendre connaissance de la démarche de Roman Jakobson (1963) pour établir son système classificatoire des genres, système que Claire Michard a retenu comme pertinent. Voici la classification dissymétrique des genres qu’il propose : pour le masculin un sens dit principal « qui implique le trait /mâle/ » (Michard p.68) et un sens dit général qui ne signale ni la présence ni l’absence de sexe, pendant que le féminin marque dans tous les cas le sexe . Ce qui pose, pour Claire Michard « une dissymétrie sémantique fondamentale entre genre masculin et genre féminin à un niveau abstrait, général, de langue », qu’elle ordonne logiquement en déclarant notion générale la « notion superordonnée », c’est-à-dire extérieure à la présence ou absence de sexe, c’est-à-dire encore : générique. La signification spécifique du masculin (mâle), n’est ainsi « qu’un effet second entraîné par la corrélation formelle des genres », et l’on a le schéma :
Masculin =1/humain - 2/mâle,
Féminin = femelle de l’humain.
C’est en effet ce que l'on trouve dans tout discours institutionnel ou para-institutionnel: schéma universalisant le masculin, ne retenant son caractère sexué que comme secondaire par rapport au général lorsqu'il n'est pas simplement effacé, mais « principal » par rapport au féminin. Je pose la question : s’agit-il vraiment d’une dissymétrie sémantique « fondamentale » ? à un niveau abstrait, général ? de Langue ? Mes propres observations du masculin dit générique en discours me permettent d'en douter.
Roman Jakobson appuie sa classification sur des exemples ponctuels de sa langue maternelle, le russe, exemples discutables22: je déclare qu'il n'est pas possible d' inférer des lois générales de linguistique à partir d'exemples ponctuels, et à partir d'une seule langue, bien que de nombreuses théorisations soient ainsi établies. On ne peut classer en linguistique générale le féminin par rapport au masculin parce qu'en russe le féminin est dérivé du masculin : nous avons vu que ce n'est pas le cas du français. Mais cette classification répond certainement au "sentiment linguistique" de son auteur, qui dépend du bain non pas seulement de langue russe mais de discours dans lequel il est immergé (sans compter sa qualité de polyglotte), et de plus, ce qui est indéniable, elle a l'avantage de donner une forme achevée à tous les travaux de promotion du masculin observés par ailleurs. Quand on parvient à ce point, on se demande ce qu’il en est : le féminin est-il inexorablement second si ce n’est négatif ?
Tout public non spécialiste rattache immédiatement et continuellement ces réflexions à celles sur le statut de la femme dans la société. Je fais de même, on va voir pourquoi (en plus de mon "sentiment" personnel). Certes nos lois occidentales proclament l'égalité des femmes et des hommes, mais sans parler du monde musulman, tout le monde sait par les informations télévisées que les réunions internationales au niveau politique, économique, financier, sont constituées de foules d'hommes avec parfois quelques femmes, que la représentation politique des femmes peine toujours à s'introduire en France, que la publicité et la pornographie actuellement florissante réifient principalement les femmes, que ce qu'on appelle machisme empoisonne les cités, que la "République des Pyrénées" titrait le 4 mai 2005 en première page « Femmes maltraitées : un cas par jour à Pau », etc. Ne tenir aucun compte des "rapports sociaux de sexe" quand on parle du genre en linguistique fait rire outre-atlantique.
Dans sa revue des théories linguistiques du XXe, Claire Michard (2003 : 69) constate que l'on ne trouve chez les linguistes qu'elle étudie « aucune analyse sociologique des sexes et, en conséquence, aucune interrogation sur les phénomènes linguistiques que l'on pourrait associer à cette analyse. […] on trouve seulement quelques remarques très vagues sur le statut particulier des femmes à propos des noms de métiers n'existant pas au genre féminin. »
Et en effet, l'un des premiers grands essais de théorisation français sur la question - très discutablement linguistique23 - est celui de la Commission de Terminologie de 1998, sous la houlette de l'Académie. Il n'y a pas en France de grand traité de linguistique sur la question, qui reste taboue - affaire de féministes - je ne relèverai principalement, avec les miens, que les nombreux articles d'Anne-Marie Houdebine et les ouvrages de Marina Yaguello et Claire Michard. Or des océans d'encre avaient coulé et coulent toujours sur la question, aux Etats-Unis et au Canada24, au Brésil comme en Angleterre - et je ne connais pas la situation ailleurs. Il est temps de tourner le regard vers d'autres disciplines pour élargir la réflexion.
Mais auparavant il faut prendre connaissance des positions très claires de linguistes actuels très écoutés, lorsqu'ils ne parlent pas de genre mais de linguistique générale. Ayant feuilleté un certain nombre de pages dans l'océan écrit par ou consacré à Antoine Culioli je n'ai pas trouvé d'explicitation de la question du genre. J'adhère entièrement, cependant, aux déclarations suivantes concernant ce qu'il nomme le "domaine notionnel" :
- « L'important, c'est de travailler, d'expliciter, de confronter, afin d'éliminer les obscurités, de rendre impossible le repliement sectaire […] » (1999 p.17)
- « Au lieu de représentations d'ordre classificatoire, conservées en magasin, inertes et inaltérées, nous nous apercevons que nous avons affaire à des représentations qui ne cessent de se réorganiser et de se déformer. »(p. 18)
- « L'étude des textes montre que l'on ne peut s'en tenir à un jeu classificatoire et hiérarchique... » (21)
- « En premier lieu, on partira, comme je l'ai déjà dit et redit, de 'ce qui vient', c'est-à-dire d'observations (définitions de dictionnaires, problèmes de traduction, langue de tous les jours, texte que l'on vient de lire)... » (22)
La méthode préconisée paraît être très exactement celle que nous avons cherché à suivre ici, et qui permet la discussion de théorisations ab abstracto. J'ajoute pour sa précision la déclaration suivante de François Rastier dans ses analyses de la notion de signifié (2003/2000) :
- « […] la valeur des signes ne se définit qu’en contexte – ce qu’on appelle valeur en langue ne serait alors qu’une reconstruction normative à partir de contextes préférentiels. » (p.228) (souligné par moi)
Ceci étant posé dans les raisonnement de la linguistique générale actuelle, voici maintenant une ouverture hors linguistique pour essayer d'avancer dans cette question de la conceptualisation de l'humain : pourquoi les crispations sur le masculin "générique" ?
3.2. L'apport interdisciplinaire.
La sociologie comporte son volet "gender studies", que l'on traduit de préférence comme "rapports sociaux de sexe", qui est particulièrement exploité depuis longtemps, on le sait, outre-atlantique. Les centres de recherche français comme l' Equipe Simone-Sagesse - Savoirs, Genre et Rapports de sexe - de l'Université de Toulouse-le Mirail développent de même une intense activité en ce sens. Cependant le cloisonnement des disciplines freine la combinaison des recherches entre cette partie de la sociologie et la linguistique. C'est la monographie du sociologue Pierre Bourdieu sur la société kabyle, base de sa publication intitulée "La domination masculine" (1998) qui m'a fait réaliser que mes démêlés avec les catégorisations grammaticales doctrinales et le "générique", que je continue à voir comme masculin, mais complaisamment appelé "neutre" dans la dénomination humaine tant par des académiciens que certains universitaires (aucun grammairien cependant, parce que c'est impossible), avaient leur correspondance ailleurs : dans les catégorisations mentales de la société kabyle pour commencer, et de nos sociétés occidentales en général y compris aujourd'hui.
Le système d'opposition, opposition binaire structurant la mentalité de la société kabyle mise en évidence par Pierre Bourdieu, qui aboutissait à la conceptualisation de la subordination de la femme, est étrangement semblable au système d'opposition également binaire de la grammaire structurale aboutissant à la négativation du féminin, stade ultime des justifications de la subordination du féminin à travers les grammaires françaises. C'est par là que la question de la condition sociale féminine se rattache au système de théorisation des linguistes et grammairiens sur le féminin.
La structuration mentale d'opposition binaire appelée "cosmologie androcentrique" par Pierre Bourdieu (1998 : 12), est du type (que je simplifie) ciel / terre, haut / bas, supérieur /inférieur, homme/femme, infériorisant et dévalorisant la femme du seul fait de l'ordonnance binaire en système d'opposition d'un élément positif placé premier et de son "contraire", et son analyse fait ressortir que
« le monde social et ses divisions arbitraires, à commencer par la division socialement construite entre les sexes [sont appréhendés] comme naturels [...] faute d'apercevoir l'action des mécanismes profonds, tels que ceux qui fondent l'accord des structures cognitives et des structures sociales et, par là, l'expérience doxique du monde social (par exemple, dans nos sociétés, la logique reproductrice du système d'enseignement) [...]. La force de l'ordre masculin se voit au fait qu'il se passe de justification : la vision androcentrique s'impose comme neutre et n'a pas besoin de s'énoncer dans des discours visant à la légitimer. » (p.15) (souligné par moi)
Cette "cosmologie androcentrique" ou binarisation mécanisante du monde fait évidemment penser à l'antique yin et yang oriental, dont on voit plus que des affleurements dans les dictionnaires et les grammaires françaises. En ethnologie Claude Lévy-Strauss avait posé à partir de la pensée primitive amérindienne et de ses catégorisations les bases de l'école structuraliste dont l'influence se maintient toujours aujourd'hui, et qui a inspiré en particulier la thèse du masculin non-marqué qui est à la base des règlementations académiques sur le masculin et le féminin 25. La pensée structuraliste a fait avancer avantageusement la réflexion linguistique, il faut cependant vigoureusement poser la question de savoir si les catégorisations de la pensée primitive doivent aujourd'hui inspirer la catégorisation de la dénomination humaine, les codifications théoriques de celle-ci, et la réglementation normative de l'usage du masculin et du féminin.
En anthropologie, dans la ligne des observations sociologiques de Pierre Bourdieu, Françoise Héritier du Collège de France dénonce sans ambages la permanence actuelle de la hiérarchisation des sexes, la différence des sexes étant, dit-elle, le
« butoir ultime de la pensée, sur lequel est fondée une opposition conceptuelle essentielle [...] un de ces themata archaïques que l'on retrouve dans toute pensée scientifique, ancienne comme moderne, et dans tous les systèmes de représentation",
dans le discours aristotélicien, les discours des médecins hygiénistes des XVIIIe et XIXe siècles, le discours médical contemporain, « en fait, partout. » (2003 : 20)
Elle pose la question de savoir « Pourquoi la situation des femmes est-elle mineure, dévalorisée, contrainte, alors que le sexe féminin est simplement l'une des deux formes que revêt l'humanité », (2004 : 127), et répond :
« La raison pour laquelle le supérieur est toujours du côté du masculin et l'inférieur du côté du féminin est, à mon avis, une conséquence directe du fait que les hommes considèrent les femmes comme une ressource (souligné par l'auteure) qui leur appartient pour qu'ils puissent se reproduire. » (2004 : 129)
Le parallélisme avec le discours lexicographique français est saisissant, comme le montre abondamment Fabienne Baider (2005) dans son étude du traitement de femme, dont les définitions initiales sont massivement du type "Être humain du sexe qui porte des enfants" c'est-à-dire des définitions fonctionnelles, pendant que l'EHM est "Être humain du sexe masculin", c'est-à-dire défini d'après son identité physique indépendamment de toute fonction. Mary Ellen Scullen (2003 : 143) est conduite à la même observation.
Enfin Françoise Héritier demande : « Pourquoi est-il si difficile de renverser cette situation ? » (2004 : 129). Il est possible, je pense d'apporter à cela une réponse formulée par Pierre Bourdieu lorsqu'il dit - je reprends une partie de la citation donnée plus haut :
« […] la division socialement construite entre les sexes [est appréhendée] comme [naturelle] faute d'apercevoir l'action des mécanismes profonds, tels que ceux qui fondent l'accord des structures cognitives et des structures sociales […] » (p.15)
Et en effet, il est temps de se demander ce qu'il en est de nos acquisitions cognitives : elles sont structurées largement avant l'âge de 10 ans, disent les sciences de l'éducation, tant selon les ouvrages innombrables de Jean Piaget que les analyses de Lev Vygotski. Nous retiendrons principalement à propos des rapports entre la structuration cognitive et la structuration sociale les observations suivantes de Michael Grenfell (2001) :
« Language, from a Vygotskyan perspective, is viewed as essentially constructivist. Here, the inter- and the intra- psychological are juxtaposed. However, although they are seen as mutually constitutive, the former is given a major role in the construction of thought; nothing appears on the psychological plain without first appearing in the social. » (p.33)
dit-il, après avoir déclaré dans la ligne de François Rastier : « Words are never just words, but receive their meaning and value from the fields in which they are deployed. » (p.30), ce qui confirme à nouveau nos propres observations.
CONCLUSION.
Les éléments du puzzle commencent à s'assembler : l'homme "générique" de nos dictionnaires est l'homme universel, élément positif de l'agencement du monde pensé par analogie depuis "l'opposition" ciel/terre jusqu'à "l'opposition" des sexes : nous vivons sous l'emprise de la catégorisation binaire archaïque conceptualisant la femme comme élément "contraire", conception justifiant sa position subordonnée si ce n'est instrumentalisée comme reproductrice. Dans ce système de pensée le représentant légitime, intégral, de l'humanité, est l'homme. En corollaire sa dénomination, le masculin, est Le Nom, à partir duquel on fait "son féminin", par adjonction de "marque", le masculin étant l'être en tant qu'être.
C'est par la logique et non par la langue que la femme est incluse dans les discours généralisants sur l'homme, à moins que lui soit dénié le caractère "humain". Du fait de l'alternance homme/femme fonctionnant régulièrement dans tout discours non généralisant, l'invariant sémantique de homme est dans tous les cas "être humain masculin". à supposer que l'énoncé :
" ? L'homme est un être humain de sexe masculin ou féminin"
soit acceptable en langue, il pose de toute manière l'invariant EHM contenu dans homme, à quoi s'ajoute ou non selon le contexte : "ou EHF". Ce pourquoi il est clair que l'emploi dominant de homme à visée générique promeut a priori l'EHM au rang principal, et en conséquence subordonne l'EHF.
Subordination de la femme, donc, censément universelle, en tout cas remontant aux origines de l'humanité, et profondément implantée y compris dans la culture occidentale, qui ne reconnaît législativement l'égalité des sexes que depuis quelques petites décennies, faut-il le rappeler. Mais notre observation du langage au ras des textes nous a permis de nous rendre compte que malgré le formatage des mentalités dès l'enfance le lexique français s'est construit à travers les siècles en une vision équilibrée de l'humanité. Le féminin français comme celui des autres langues romanes témoigne toujours linguistiquement, en dépit de toutes les contraintes, d'une force étonnante. La vision androcentrée entre en contradiction avec ce système lexical tout comme avec notre expérience de la réalité : une humanité sexuée où les hommes et les femmes sont mutuellement nécessaires les unes aux uns et réciproquement, appréhension empirique du monde humain. C'est en raison de cette contradiction entre la réalité et les structurations socioculturelles que s'observent les flottements, recombinaisons, allées et venues et rhabillages des théorisations cherchant à imposer un ordre arbitraire au détriment de la moitié de la société.
Si l'on entre dans des considérations de linguistique appliquée, la langue française permet de rendre cette réalité par l'emploi systématisé de dénominations couplées, ou authentiquement génériques, dans les discours généralisants. Dans une perspective féministe, on peut se demander ce que cela peut apporter aux femmes. On peut répondre que la symbolique du langage est une symbolique puissante, et surtout celle du langage institutionnel : on s’en rend compte en effet en ce que toute argumentation linguistique comme celle-ci déclenche immédiatement chez les non-spécialistes des observations de type sociologique. Faut-il s'étonner des réactions violentes en France lorsque l'on conteste des formulations comme "Les Droits de l'Homme" ? ils sont dits dans toutes les autres langues à genre occidentales "Droits humains", le paradoxe étant qu'en cette question de "Droits", la France dénie aux femmes leur dénomination dans tous les textes institutionnels, alors que la langue française la permet.
L'exposé ci-dessus n'est qu'un début d'approche de l'histoire de l'appropriation exclusive de la "nature humaine" par l'EHM à travers l'assignation de sa dénomination spécifique, homme, à la semi-abstraction "être humain" (les hommes polonais ayant réalisé l'inverse). Cette appropriation exclusive s'est faite tout au long du discours social séculaire dominant : le discours masculin. Elle semble en voie de disparition pour man au moins dans un dictionnaire anglais. Elle perd de son épaisseur et commence à vaciller dans les deux dictionnaires français de grande diffusion observés, tout en restant massivement présente dans l’usage dans le français hexagonal du début du XXIe s., par l’emploi très général de homme et de masculins " génériques" censés représenter les groupes humains. Elle reste immuable dans le dictionnaire polonais étudié, parce que la langue polonaise elle-même est affectée par l’infériorisation du féminin.
Pour avoir une idée des avatars de la conceptualisation de l'humain en allant d'un extrême à l'autre, entre la parité homme/femme à l'intérieur d'une humanité universellement sexuée et la négation du caractère humain de la femme instrumentalisée en "sexe" reproducteur, en passant par sa subordination à l'être humain posé premier, l'homme, un formidable travail d'analyse historique des discours reste à faire. Depuis par exemple "Le Mesnagier de Paris" du XIVe siècle où les dédoublements masculin/féminin quand on parle de groupes humains est la règle systématique, en passant par les divers discours philosophiques sur l'homme et l'humanité, jusqu'au "Rapport de la Commission générale de Terminologie" de 1998 où la désambiguïsation masculin/féminin est pratiquée au fil du texte pour la clarté des explications, pendant qu’en sens inverse le caractère "générique" du masculin est normativement affirmé tout au long dudit "Rapport"26. Le chantier est prometteur : notre conditionnement dans l’enfance à la catégorisation binaire archaïque infériorisant la femme est profondément implanté, par le moyen, parmi d’autres, du langage, avec l'emploi du masculin dit générique en discours et par les théorisations métalinguistiques. Il faut toucher à notre structuration cognitive socialement implantée depuis des siècles. Cela ne fait que quelques années que l’on en prend conscience.
Je dirai qu’aujourd’hui l'essentiel, c’est cette prise de conscience, afin de commencer à mesurer les implications philosophiques, sociologiques, politiques, de la nomination et donc de la représentation de la femme et de l'homme à parité, dans l'activité éminemment humaine et hautement symbolique qu'est le langage, dans notre siècle de l'explosion mondialisée des médias. Plus précise en cela que l'anglais, la langue française le permet.
. Le choix nous est possible : parler au masculin en obéissant aux structurations mentales primitives, ou utiliser masculin et féminin à parité. L’enjeu semble en rapport avec les conflits de cultures qui agitent notre actualité.
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3 Voir le tableau détaillé dans "Sexisme et grammaires scolaires" sur www.langue-fr.net dossier "Féminisation".
9 Plus précisément entre la tentative du ministère Roudy d'introduire le féminin (1984-1986) et l'utilisation du féminin par Elisabeth Guigou ministre de la Justice et trois autres ministres féminines (1997), initiative après laquelle le discours journalistique sur les femmes a pu enfin être syntaxiquement correct.
24 En particulier au Québec, Hélène Dumais, Céline Labrosse, Jacqueline Lamothe, Louise Larivière, Pierrette Vachon-L’Heureux.
25 L'opposition de l'Académie française à l'introduction du féminin dans le langage officiel par le ministère Roudy en 1984-1986 (Voir la circulaire ministérielle du 11 Mars 1986) s'est construite sur les suggestions de Claude Lévy-Strauss, membre de l'Académie. Puis dans le "Rapport de la Commission Générale de Terminologie" de 1998 le masculin dit "non-marqué" est devenu le "nom de fonction".